Cette publication était écrite et planifiée avant ce macabre fait divers à Wintzenheim. Toutes mes condoléances aux familles endeuillées. J’espère que ce récit permettra à d’autres professionnels et à tous, une réflexion sur la place du handicap dans notre société et les solutions proposées.
Un grand MERCI à l’association AG1 2-3 Soleil pour l’accueil et cette merveilleuse opportunité.
Cette expérience a été enrichissante et bouleversante. Les mots manquent parfois à exprimer ce que j’ai pu ressentir. Peut-être que cet album vous aidera à ressentir un bout de mes émotions.
Cette journée a été profondément marquante et m’a convaincue d’une chose : l’amour est plus fort que tout. La joie est une force de vie. Et la combinaison de ces deux forces permet de surmonter les obstacles de la vie malgré la douleur et les difficultés. La douceur est une force, j’en étais déjà convaincue et en ressors plus que certaine.
Pendant 2 séances d’une heure, j’ai accompagné 4 enfants lourdement handicapés. Ils sont en fauteuil, ne parlent pas, ne contrôlent pas les réactions du corps. Pour autant, les fois où le corps “autorise” l’expression d’une émotion, ces moments-là existent. Ces moments sont précieux, plus rare qu’un diamant. Quelques secondes de joie, ou d’excitation, et le corps se perd dans cette émotion, se contracte de douleur.
Les bras et jambes se crispent, la respiration s’emballe… Parfois, la langue devient bleue… Le visage se referme, les yeux partent on ne sait où.
Habitués, l’accompagnant prend les mains, respire profondément devant lui/elle pour rappeler de poser la respiration, de la ralentir.
J’ai appris à les accompagner pendant la séance et à, moi aussi, oser prendre les mains, demander le regard pour respirer avec eux.
Dans ces moments-là, seule la présence compte et ce qu’il se passe autour disparait. Les conflits intérieurs et extérieurs n’existent plus laissant place à l’instant présent. Respirer en conscience pour apaiser et revenir à ce que l’on fait.
Je n’oublierai pas le regard d’Anaïs, émerveillée d’avoir produit de la musique avec l’aide de son grand frère sur le handpan.
Je n’oublierai pas le sourire de Diego, au son du kalimba.
Ni le sourire timide de Daria, lorsque le bol tibétain chantait.
Et enfin, les sourires de Margaux, lorsque j’ai posé le bol sur son fauteuil pour lui faire ressentir la vibration. Puis sur les pieds et les bras, en lui demandant si ça chatouille.
Il a fallut s’arrêter pendant quelques moments pour accompagner la respiration, les crises. Et puis, le silence est aussi une forme de son. Le respecter, c’est aussi honorer la musique.
Je suis arrivée avec un peu d’appréhension. La peur de mal faire, d’avoir des réactions violentes, peur que ce ne soit pas bénéfique. Et à la fois, j’avais l’intime conviction que tout allait bien se passer, car je crois en la puissance de la douceur, il n’y avait aucune raison que cela se passe mal.
Après les séances, j’ai été invitée à rester pour le déjeuner. C’était l’occasion de discuter avec les parents, la famille, amis et adhérents.
De ces discussions, j’ai appris qu’environ 50 cas existent en France, que cette maladie génétique est une maladie génétique rare neurotoxique et que l’alimentation a un rôle important. J’ai appris que le diagnostic néonatal existe depuis moins d’un an.
J’ai appris que le handicap varie chez chacun. Certains sont lourdement handicapés et ont une vie plutôt courte. D’autres marchent comme toi et moi, travaillent, ont une vie de couple, des enfants mais le corps et le cerveau peuvent s’arrêter de fonctionner normalement à tout moment.
De ces discussions, j’ai ressenti de la joie, de l’humilité, de l’amour, un combat : celui de vivre malgré la maladie.
Ils se rencontrent pour l’assemblée générale chaque année sur un weekend. C’est comme une grande fête de famille. Ils partagent les rires et les pleurs. Ils cuisinent ensemble, parlent de l’avenir et de l’évolution. Ils parlent de leur expérience et de leurs envies.
N’est-ce pas le plus beau cadeau qu’ils puissent faire à leur enfant déjà emprisonné dans un corps qu’il ne contrôle pas ?
Le cadeau de continuer à vivre “normalement” à leur côté. Avoir un frère ou une sœur valide, faire des ballades et sorties, voir des spectacles, faire du sport ou pratiquer un art.
Ce que j’écris là peut sembler tout beau mais je reste réaliste et ne peux qu’imaginer le quotidien après avoir vu un petit bout de journée.
Je ne peux qu’être certaine de la difficulté du quotidien. Ne pas savoir quel est le besoin de l’enfant et le “soumettre” à un rituel pour le maintenir dans un état végétatif dans la dignité.
Je ne peux qu’imaginer la logistique pour le soin du corps. J’ai vu l’alimentation injectée par des seringues pendant les séances. J’ai noté que le corps doit être semi-assis pour faciliter la respiration et la déglutition salivaire quand celle-ci n’est pas gérée par un bavoir. J’ai du mal à visualiser ce qu’est une nuit de sommeil pour eux. Est-ce sous calmant ou sédatif ? Aucune idée…
De cette journée passée avec eux, je retiens à la fois la douleur et l’amour inconditionnel.
Et après une journée comme celle-ci, comme après tout évènement de vie marquant, on revient à soi, à son quotidien, aux “problèmes” que l’on se créent, aux gens qui accompagnent notre chemin de vie.
Après une journée comme celle-ci, tout un tas de questions existentielles reviennent. Elles confirment des choix passés et des choix présents. Ces questions conditionnent le futur que je souhaite créer, manifester.
Après une journée comme celle-ci, tu poses la question du handicap à ton entourage. Comment ils réagiraient s’ils en étaient confrontés ? Que feraient-ils au quotidien pour soulager le malade mais aussi eux-mêmes?
Une journée comme celle-ci est une leçon de vie pour quiconque étant curieux car personne n’est invincible, tout le monde peut être confronté à la maladie.
Une journée comme celle-ci me convainc d’une chose : pour vivre heureux, il faut s’entourer de personnes qui vibrent avec (au moins une de) tes valeurs. De cette ou ces valeurs se crée ta réalité, ton monde et tout ne peut que bien se passer même quand rien ne va vu de l’extérieur.
Quelques larmes ont été versées lors de l’écriture de ce retour d’expérience. Revivre ces moments de bonheur et sourire en rappelant à nouveau du visage de Diego. Et à la fois ressentir cette injustice !
Revivre ces moments et n’éprouver que de l’amour. Un amour inexpliqué et inexplicable car seul le corps et l’âme permettent de le ressentir.
C’est une expérience que j’aimerai refaire de temps en temps non pas pour être dans l’égo mais plutôt dans le don de soi et le partage.
Avec coeur,
Christine